Shores of Korantia est le premier supplément du monde de Thennla adapté pour RQ6 (en anglais).

Comme toute revue, le texte qui suit est une appréciation tout à fait subjective du supplément.

La forme

L’ouvrage se présente comme un joli volume cartonné et relié de 240 pages qui semble capable de résister à des usages répétés à la table de jeu. On trouve en couverture un superbe portrait du jeune empereur korantien Koïbos XXIV affublé de son manteau d’hermine et de sa couronne en plumes de paon. Les illustrations intérieures sont dans la même veine que celles du livre de base de RQ6 : des dessins en noir et blanc de bonne qualité et pertinents vis-à-vis du texte qu’ils illustrent. Certains dessins, comme celui de la prêtresse jekkarine ou celui du paladin de Lanil, sont particulièrement inspirants. Les cartes sont également de bonne facture sans toutefois atteindre la qualité de celles d’Age of Treason : the Iron Simulacrum, qui étaient somptueuses. L’ouvrage se termine par un index fourni de 8 pages. Ceux qui préfèrent le format pdf pourront utiliser la table des matières navigable, moins détaillée que celle du livre de base de RQ6, mais qui a le mérite d”exister. Finalement, SoK un très bel objet que l’on a plaisir à utiliser et montrer.

Introduction

Comme on peut s’y attendre, l’introduction présente rapidement la région de Korantie et la place dans le contexte du monde de Thennla, dont la géographie générale est exposée ainsi que le calendrier. On y apprend que Thennla est un disque dont les terres émergées sont constituées de 6 continents contigus encerclant un océan intérieur, terres qui sont elles-mêmes entourées par un océan extérieur particulièrement agité. Au-delà, c’est la Limite du Monde et personne ne sait ce qui se cache derrière. Le ciel est l’hémisphère situé au dessus du disque ; on y trouve le Soleil qui voyage d’Est en Ouest et la Lune qui occupe une position fixe, de jour comme de nuit, au dessus de la capitale jekkarinne. L’hémisphère inférieur est constitué d’un immense réseau de cavernes qui mèneraient, dit-on, aux Mille Enfers. Le monde est nommé d’après Theyna, une antique divinité de la Terre encore révérée chez certains peuples barbares.

Korantia

C’est avec ce second chapitre que nous entrons dans le vif du sujet. Nous y apprenons comment les ancêtres des Korantiens vivaient en harmonie il y a mille ans dans une civilisation florissante et comment un schisme destructeur a séparé les hommes adorateurs du Soleil des femmes vénérant la Lune. De cette division naquit d’un coté la nation korantienne, solaire et conservatrice, et de l’autre, la théocratie Jekkarine, secrète et matriarcale. Le chapitre détaille l’histoire de ces mille années sur 6 pages et expose les particularités de l’actuel Empire korantien, constitué de nombreuses cités-états largement indépendantes (les cités les plus importantes sont décrites). Il y a quelques dizaines d’années, l’Empire a subi un cataclysme qui a failli le détruire complètement. La culture korantienne présente d’intéressantes particularités qui ne sont pas sans rappeler celles de la Grèce antique : acceptation de l’esclavage, refus de la sorcellerie, admiration des exploits physiques et sportifs, importance de la poésie et des mathématiques, etc. Le chapitre se termine en présentant la constitution et le culte officiel d’une cité-état, les principales lois impériales et enfin les forces militaires à la disposition de l’empire.

 The Wider World

Voici les fameux « rivages » de Korantie. Avant le cataclysme, l’Empire korantien à essaimé de nombreuses colonies tout autour de l’océan intérieur, sur presque tous les continents. Aujourd’hui, il tente de reprendre contact avec elles pour rétablir sa domination maritime et sa splendeur passée. Le chapitre décrit rapidement l’ensemble de ces colonies et passe en revue les nations plus ou moins proches de l’Empire korantien : les peuples barbares thennaltais ; la mystérieuse Théocratie jekkarinne, adversaire séculaire des Korantiens ; le redoutable Empire taskien, dont les conquêtes ininterrompues constituent une menace de plus en plus proche des frontières korantiennes ; l’exotique et envoûtante Assabie, foyer de l’athéisme et haut lieu de la sorcellerie, dirigé par des sultans inspirés par les djinns ; les nations lointaines et quasi inconnues du continent de Rasputana et enfin les « archipéliens », terme générique décrivant une variété de peuples vivant sur la multitudes d’îles qui parsèment l’océan intérieur.

Characters

Le chapitre fournit les règles nécessaires pour construire un personnage de Korantie, qu’il soit citoyen de l’empire ou non : culture, classes sociales (nombreuses !), ressources, familles, alliés, contacts, rivaux, ennemies, etc. Les cultures pour les principales nations du chapitre précédent sont également fournies et permettent par exemple d’interpréter un étranger taskien en terre korantienne (bonne chance). De nouvelles professions associées à leurs cultures d’origine sont proposées : sorcier assabien, domestique korantien, danseuse de temple jekkarinne, athlète korantien, orateur korantien, esclavagiste orque, prêtre-sorcier orque, paladin et mercenaire sabatéen. Enfin, les styles de combat utilisés dans cette partie du monde sont présentés avec beaucoup de détails (et constituent un excellent exemple dont peut s’inspirer tout Maître de Jeu pour son propre univers).

Magic

Thennla est un monde où la magie est courante. Au fil des pages, on découvre qu’elle est particulièrement bien intégrée dans la vie des différentes cultures (économie, politique, défense, vie quotidienne, ). Le chapitre définit les paramètres de la magie dans le monde, comme la manière dont sont générés les points de magie. Il y a également quelques adaptations des règles de RQ6, telle que la capacité de Manifestation d’un esprit qui est traitée comme une compétence (ce qui semble une bonne idée). Un passage particulièrement intéressant présente la métaphysique du monde. Thennla est constitué de trois réalités distinctes : le monde matériel (material world) qui est le monde habituel dans lequel les humains vivent mais qui abrite également une nouvelle catégorie d’êtres surnaturels, les éthérés, capables de se dématérialiser à volonté (un peu comme les esprits peuvent se désincarner, bien que les éthérés n’aient rien à voir avec les esprits) ;  le monde spirituel (spirit world) qui change très peu par rapport à sa description dans RQ6 et enfin les Mille Enfers (Many Hells) qui sont la demeure des démons et la destination finale des âmes des défunts. Tous les systèmes de magie sont utilisés dans Thennla. La magie populaire est complètement intégrée dans les rites de chaque culture et devient pilotée par des compétences Rites (Culture) spécifiques à chaque culture. Le mysticisme est très rare en Korantie et dans les autres nations du même continent : seuls deux ordres mystiques très différents sont recensés (celui des Sibyles de Korantie est détaillé). La sorcellerie, bien qu’interdite en Korantie, est en revanche très utilisée dans cette partie du monde, que ce soit par les Taskiens, les Jekkarines ou bien sûr les Assabiens. Côté règles, on peut noter que les enchantements produits avec le sort Enchanter sont considérés comme mineurs et dénommés Charmes (Charm). Cela préfigure sans doute une adaptation à venir pour RQ6 des règles d’enchantement avancé qui étaient dans Age of Treason : the Iron Simulacrum. Le théisme est sans doute la forme de haute magie la plus répandue. La quasi totalité des nations vénère un panthéon ou bien des dieux individuels. Une attention particulière est apportée aux différentes façons de vénérer une divinité : au sein de cultes plus ou moins organisés, officiels ou non, ou bien hors de tout culte comme une dévotion strictement personnelle. En outre, des règles subtiles permettant de représenter des pactes avec des divinités mineures ou mêmes des démons sont introduites. Dans ce contexte, les Dons de RQ6 deviennent des Avantages (Boons) qui se payent en points de magie. Plusieurs Avantages originaux sont proposés. Enfin l’animisme, répandu chez les peuples peu ou pas civilisés (bien que des exceptions notables existent), ne subit quasiment aucune modification technique par rapport aux règles de RQ6 et, vue la complexité de ces dernières, on peut pousser un ouf de soulagement. Le chapitre se termine sur une liste de runes (on est dans RuneQuest quand même !) dont l’utilisation est optionnelle et largement cosmétique, mais qui sont clairement décrites.

Korantine Wealth

Avec ce chapitre, c’est le fonctionnement économique de la Korantie qui nous est exposé : le coût de la vie et les différentes sources de revenus ; la valeur, l’origine et l’utilisation des différents métaux ; les monnaies avec leurs taux de change (!), etc. Une imposante liste de prix de 6 pages contenant les biens et services les plus divers devrait répondre à tous les besoins du MJ en la matière. Cette liste est agrémentée de notes sur l’origine, la disponibilité ou la fabrication des biens proposés et je trouve cela particulièrement bienvenue. La lecture de cette liste dessine un univers crédible et vivant, par exemple : « Soie de Jelhaï : 250 PA par m2 : Disponible seulement chez un marchant assabien de passage ; seule une infime quantité arrive chaque année car les sultans de Djesmirket achètent tout ce qui est disponible »

Cults

Nous apprenons ici que les Korantiens adorent un panthéon céleste dirigé par Lanil, le Dieu Soleil. Sa femme Orayna, Reine des Cieux et Mère des Nations, est la divinité tutélaire de chaque cité-état, se révélant sous une forme différente dans chaque cité. Le culte de Lanil est l’apanage de l’empereur et de ses paladins et il cimente la vie de l’empire. Trois autres dieux assistent ce couple céleste et une myriade de divinités moins importantes représente chaque aspect de la vie bien ordonnée de tout bon citoyen korantien. En fait, la société korantine semble figée à l’image de son panthéon avec, notamment, une séparation nette des tâches masculines et féminines. Un grain de sable apparait dans cette belle unité avec certaines des anciennes colonies qui ont développé un culte de Lanis concurrent du culte impérial officiel.

Le chapitre décrit avec moult détails une dizaine de cultes théistes korantiens ainsi que trois cultes « étrangers » : le culte de Theyna, celui de Jekkara et celui de Koremchaï, prisé par les pirates archipéliens, qui est en fait un pacte démoniaque. A noter également un culte de prophétesses mystiques réputées : les fameuses sibylles de Korantie (qui ressemblent furieusement à la Pythie de Delphes). Le chapitre contient également une poignée de nouveaux miracles.

Travelling Korantia

Ce chapitre nous emmène sur les routes de l’empire, qu’elles soient terrestres ou maritimes. On y trouve des règles sur la vitesse et les conditions du voyage. Il y a également des règles détaillées sur les navires et notamment un système de combat entre galères, qui est je crois le même que celui du supplément Ships & Shield Walls (que je ne possède pas, donc je n’en suis pas sûr). Comme je le disais plus haut, la magie est bien intégrée dans le monde et quelques exemples intéressants sont fournis : des bateaux dotés d’une personnalité, soit parce qu’un esprit y a été lié, soit parce qu’un miracle d’Éveil en fait le réceptacle de la conscience d’un dieu (!) ; l’usage de sylphes et d’ondines comme forces motrices améliorant la vitesse d’un navire ou permettant même d’en faire un sous-marin ou un bateau volant.

Encounters

Quand on voyage, on fait des rencontres … bonnes ou moins bonnes. Le chapitre explore des dizaines de rencontres qu’il est possible de faire pendants des trajets terrestres ou maritimes, des plus communes au plus improbables. Ces rencontres sont correctement expliquées et justifiées et permettent de se faire une idée du fonctionnement au jour le jour de la Korantie. Avec presque chaque rencontre, il y a une accroche qui peut servir à développer un scénario. A noter que plusieurs rencontres surnaturelles sont l’occasion de présenter en détails certaines des fameuses créatures éthérés : plusieurs types de nymphes, les satyres et une créature éthérée qui transmet des maladies : le miasme. Il y a également des statistiques pour le roc, un oiseau géant.

Thyrta

La ville de Thyrta est une colonie récente de la cité-état de Borissa. C’est une ville en devenir où les choses changent vite, idéale pour accueillir des aventuriers. La ville et ses environs sont présentés en détail. Les personnages les plus importants sont décrits avec leurs statistiques ainsi que les lieux d’intérêt et les auberges et autres tavernes. Des exemples d’habitants de toutes origines (certains avec leur statistiques) et d’étrangers de passage sont fournis. On nous présente également les différentes implantations des autochtones thennaltais, qui ont une opinion mitigés des colons korantiens, un avant-poste jekkarinne, quelques lieux de la mystérieuse forêt de Sard, célèbre et redoutée pour les créatures fantastiques qu’elle abrite. Puis, sans direct lien avec Thyrta, c’est l’île de Tempigone qui est détaillée. Placée sous l’autorité de la cité-état d’Himéla, concurrente de Borissa, l’île héberge une population diverse et mêlée de korantiens et d’archipéliens. On y trouve un complexe minier opéré par des esclaves. Là aussi les personnages et les lieux importants sont décrits en détail. En fin de comptes, ce chapitre est un bon exemple du travail qu’un MJ devra faire s’il veut détailler une autre des cités-états korantine.

Les trois derniers chapitres nous proposent trois aventures dans la région thyrtanne. Les aventures partagent des liens mais peuvent être jouées de façon indépendantes.

 Varoteg’s Rascal

Une histoire assez classique de chasse aux bandits, agrémentée de plusieurs problèmes politiques. Idéale pour introduire des joueurs débutants à Thennla, au combat et à la situation politique de Thyrta.

House of Valsus

Dans ce scénario, les personnages sont priés de faire une visite « non-officielle » dans l’établissement d’un marchand impliqué dans des affaires troubles. Si l’aventure est d’un niveau débutant, il faudra néanmoins que les joueurs fassent preuve de subtilité pour la terminer.

 Prishad’s daughter

L’ouvrage se conclut avec un scénario plus ambitieux que les deux précédents. Au menu, l’exploration d’une île déserte mystérieuse, en concurrence avec plusieurs groupes d’origines différentes (il y a même des orques !) qui pourra être gérée par la force ou par la négociation si les personnages arrivent à démêler les motivations complexes et imbriquées de chaque groupe ; des créatures effrayantes et exotiques et l’exploration d’un donjon oublié où les aventuriers seront confrontés à la sorcellerie. Une aventure complexe et dangereuse qui occupera plusieurs séances de jeu, avec à la clef, d’intéressantes récompenses.

En conclusion, SoK est un supplément qui réussit son ambition de présenter un monde crédible où l’on a envie de jouer et de faire jouer. Un seul regret : en lisant l’ouvrage, il est fréquent d’avoir à consulter les cartes de la Korantie et il aurait été plus pratique de les placer en pages de garde.